Combien coûte la démotivation ?   2 mars 2010

Pour combattre le management démotivant en voie d’expansion, Anne Dousset a entrepris de chiffrer le prix du désengagement des salariés. Son constat, son modèle, ses solutions.

Certaines entreprises, sous la pression financière du court-terme, sclérosent l’initiative. Ce management contreproductif et dénué de sens finit de démotiver les collaborateurs. Mais dans son livre « Management à contresens », Anne Dousset, DRH pendant 15 ans, ne s’arrête pas à ce constat amer : pour elle, ce désengagement a un prix, chiffrable, dont l’estimation devrait révéler à l’entreprise son intérêt à exploiter comme il se doit le capital humain qui constitue désormais son premier gisement de productivité.

– En quoi consiste ce mode de management que vous dénoncez ?

– Anne Dousset : Il est d’abord contreproductif, puisqu’il gaspille du capital humain. A force de standardiser la façon de travailler, les marges d’initiatives sont réduites et les gens donnent moins le meilleur d’eux-mêmes. Ensuite, il est dénué de sens, car il ne donne pas au salarié de bonnes raisons de s’engager. La pression court-termiste du financier se fait de plus en plus forte, mais travailler pour l’actionnaire ne donne pas du sens. De plus, les gens pédalent en quelque sorte sur un vélo dont la première roue est le reporting et la seconde le prévisionnel. Tout ce temps passé à rendre compte et à établir des prévisions n’est pas consacré à manager les gens et à répondre à des clients. Autant de raisons pour lesquelles les collaborateurs se sentent sous-exploités, dévalorisés, bridés… et démotivés. La conséquence pour l’entreprise est évidente : ses résultats en pâtissent. Et ce type de management est en expansion.

– Quelles pistes suggérez-vous pour exploiter le potentiel d’engagement des personnes ?

– Anne Dousset : Je pense à trois pistes en particulier. La confiance, la reconnaissance et le sens.

1) Lorsqu’on donne sa confiance à quelqu’un, cela engendre automatiquement chez cette personne la volonté de le mériter. Elle ira chercher en elle toute la puissance de tir nécessaire à cela. Typiquement, cela consistera à confier des responsabilités à quelqu’un qui manque d’expérience. De mon expérience de DRH, cela fonctionne à merveille.

2) D’autre part , dire « bonjour », « merci » et « bravo » n’est pas puéril : c’est le début de la reconnaissance. Ensuite, il existe des méthodes pour que chacun soit reconnu, ait sa place dans une instance, puisse poser des questions et proposer des idées, soit intégré dans la communauté… En particulier, on trouve dans l’entreprise des équipes – administration des ventes, comptabilité… – dont les membres, très dévoués, parfois plus âgés que leur hiérarchie, se sentent méprisés. Il faut absolument veiller à ce que ce sentiment ne se développe pas.

3) Le sens, finalement, développe la fierté de contribuer au projet de l’entreprise. Ce n’était pas le cas il y a encore 40 ou 50 ans mais aujourd’hui, les gens appartiennent plus à eux-mêmes qu’à leur société. Toutefois, il demeure chez eux une fierté de contribuer à quelque chose qui fait sens. Or c’est là qu’ils puiseront leur motivation.

– Comment convaincre les dirigeants de l’importance de ces éléments ?

– Anne Dousset : Par les chiffres : la seule façon efficace de les convaincre est de leur montrer qu’ils n’ont pas le choix. C’est la raison pour laquelle j’ai développé un modèle chiffrant le taux d’utilisation du capital humain.

La partie humaine du capital de l’entreprise est extrêmement mal chiffrée alors qu’elle est absolument fondamentale. En revanche, pour des aspects comme la sécurité, les clients, etc., on a des ratios à n’en plus finir. Pour ce qui concerne l’organisationnel et l’humain, le plus souvent on dispose uniquement de l’absentéisme. Une notion qui avait du sens au XIXe siècle, lorsqu’on vendait du « kilowatt-heure humain », mais qui n’en a plus désormais. Maintenant, même un ouvrier vend de l’intelligence.

Et ne croyez pas que mon propos est celui d’un humaniste. C’est un propos de dirigeant, qui consiste à considérer que si autrefois, on avait des gisements de productivité dans la supply chain, ces gisements sont aujourd’hui du côté de la motivation des salariés.

– Dans les grandes lignes, comment fonctionne ce modèle ?

– Anne Dousset : Il se base sur trois indicateurs. Le présentéisme, l’efficacité collective et la motivation de l’individu. Prenons l’exemple du l’efficacité collective. Combien de fois voit-on les choses faites deux fois par manque de confiance entre les services ? Alors que lorsqu’on travaille bien ensemble, on réalise davantage que la somme des individus. Selon la situation, cet indicateur pourra varier entre, au plus, +20 % et, au moins, -30 %.

Ce modèle, il faut se l’approprier et le refaire à sa main. Le faire correspondre à des indicateurs qui ont du sens dans le contexte de l’entreprise. C’est vrai, il y a une part de subjectivité. Mais ce n’est pas très grave. Dans le temps, le biais sera toujours de même nature. Et surtout, ce n’est pas parce que la méthode n’est pas totalement objective qu’il ne faut pas chiffrer. Car si on ne le fait pas, on ne fait rien.

« Management à contresens – Combien coûte la démotivation ? » par Anne Dousset, 121 pages, Editions d’Organisation

Source : www.journaldunet.com

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Cette entrée a été publiée le mardi 2 mars2010 à 15 h 12 min, et rangée dans Motivation. Vous pouvez suivre les réponses à cette entrée via son flux RSS 2.0.Vous pouvez laisser un commentaire, ou faire un rétrolien depuis votre site.
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2 réponses

29 juin 2011 à 21 h 39 min
xavier écrit :

Tout est dans le titre. Combien coûte une personne ? La capital humain n’a pas de prix. Tant que les managers verront leur employés comme des chiffres , des pions sur l’échiquier, ils seront incapable d’adopter un management efficace. Des règles oui , du rendement oui mais avant tout considérer les gens.

4 juillet 2011 à 18 h 44 min
Yves de Montbron écrit :

Merci pour ce commentaire.
On est obligé de reconnaître que dans certains cas, les salariés sont considérés comme des pions.
C’est l’inverse du management positif. Et ça finit par coûter cher aux entreprises.
Yves

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