Les stratégies absurdes, comment faire pire en croyant faire mieux   30 décembre 2009

Stock.chng_optical_page__2Quel est le point commun entre l’usine automobile, la crèche israélienne, l’hôpital new-yorkais, la charcuterie italienne, la privatisation des prisons ou la gouvernance de la recherche ?
Tous sont pilotés par des indicateurs et des incitations qui ont tourné en fiascos, analysés dans ce réjouissant livre de Maya Beauvallet : « Les stratégies absurdes, comment faire pire en croyant faire mieux » (Seuil)

On apprend ainsi que la privatisation des prisons américaines est encadrée par une liste de 464 standards, tous dûment notés par une agence. Ce qui n’empêche pas d’y trouver dix fois plus de blessés…

Dans notre monde moderne, il s’agit de plus en plus « d’encourager les individus à adopter tel ou tel comportement en jouant sur leur intérêt bien compris. Le mécanisme le plus élémentaire repose sur la récompense ou la pénalité : si vous faites ceci, vous gagnerez cela ; si vous ne faites pas ceci, vous n’aurez pas cela. »

Cette pratique repose sur le postulat d’un individu rationnel cherchant à optimiser son intérêt… Mais hélas, bien souvent, elle ne fonctionne pas.

Maya Beauvallet est économiste. Elle travaille depuis des années sur les indicateurs de performance et livre ici une synthèse de cette question…

Mais elle le fait, et c’est ce qui rend son livre amusant, à travers douze exemples d’échecs inattendus et parfois très drôles, de tentatives de management par l’indicateur et l’incitation…

Quelques exemples…

Une crèche israélienne se désole de ce que les parents ne reviennent pas chercher leurs enfants à l’heure convenue. Que fait-elle ? Elle instaure une amende de retard, qu’elle fixe au prix d’une heure de baby-sitting. Que se passe-t-il ? Les retards augmentent. On vient de chiffrer aux yeux des parents la (faible) gravité de leur retard : on les a décomplexés. Et on leur suggère une démarche très rationnelle : pourquoi payer un baby-sitter puisque la garderie fait le même service pour le même prix ? Et lorsque la crèche, en désespoir de cause, revient au système antérieur, les pratiques des parents ne se modifient pas à rebours : la faute a été chiffrée, le chiffre n’est pas dissuasif : les habitudes perdurent…

Un patron décide d’organiser une compétition permanente entre ses salariés et découvre qu’une bonne partie d’entre eux commencent à saboter le travail de leurs collègues.

En janvier, un dirigeant fixe un objectif annuel à ses employés et constate qu’ils ne se mettent vraiment à la tâche qu’en septembre, et qu’ils bâclent le travail.

Un État entreprend de rémunérer les dons de sang et s’aperçoit que les dons se font plus rares…

Un club de football met à l’amende un de ses défenseurs au motif qu’il rend trop souvent la balle à l’adversaire et se rend compte au bout de quelques semaines qu’il ne la passe plus à personne !

Le point de départ de ces histoires est presque toujours le même : une certaine idéologie managériale, des indicateurs de performance mal choisis, des dispositifs d’incitation et de sanction ineptes. Maya Beauvallet en propose ici un bêtisier savoureux et une analyse implacable.

Attention aux effets pervers

Sa réflexion autour de ces dispositifs apporte un regard neuf sur le sujet. Il ne s’agit pas « de condamner les incitations par principe, mais de comprendre pourquoi, réduites à leur caricature, elles peuvent parfois conduire à un effet contre-productif ».

En décryptant 12 exemples, l’auteur met à jour un certain nombre de questions qui s’appliquent à tous les efforts de management par incitations : a-t-on choisi le bon paramètre ? Que se passe-t-il si les sujets se mettent à négliger les autres dimensions de leur activité ? Encourage-t-on l’individualisme ? Existe-t-il des moyens de feindre de respecter les indicateurs ? Avec l’avant-dernier chapitre, consacré à l’évaluation de la recherche, l’auteur démonte combien tous les standards actuellement disponibles échouent à répondre clairement à la simple question de savoir ce qu’est un « bon » chercheur.

En refermant cet ouvrage, une petite graine de doute a été semée, qui fait regarder bien différemment les évaluations et incitations qui sont produites par dizaines chaque jour dans tous les champs de la vie sociale….

(Article réalisé à partir de plusieurs sources web)

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Cette entrée a été publiée le mercredi 30 décembre2009 à 19 h 03 min, et rangée dans Management. Vous pouvez suivre les réponses à cette entrée via son flux RSS 2.0.Vous pouvez laisser un commentaire, ou faire un rétrolien depuis votre site.
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